Acheter vide ou avec un locataire ? Le guide complet pour décider (version longue)
Faut-il acheter un bien libre de toute occupation (vide) ou déjà loué (occupé) ? Derrière cette question apparemment simple se joue l’alignement entre prix d’achat, rentabilité, souplesse d’exploitation, gestion, fiscalité et horizon de détention. Ce guide ultra complet t’aide à trancher avec des comparatifs, des cas pratiques chiffrés, des méthodes de valorisation et des checklists opérationnelles.
- Acheter vide : liberté maximale (travaux, repositionnement, choix du bail et du locataire, occupation personnelle). En contrepartie : vacance initiale, coûts de remise en état et plus de préparation.
- Acheter occupé : revenu immédiat, historique de paiement, visibilité sur la demande locale et souvent décote d’occupation à l’achat. En contrepartie : souplesse réduite (bail en cours, loyer existant, calendrier légal de congé).
- La bonne décision naît du croisement entre objectif (rente, création de valeur ou usage personnel), marché (tension locative, encadrement éventuel), chiffres (rendement net, cashflow, coût des travaux), risques (impayés, vacance, copropriété) et horizon (court, moyen, long terme).
1) Définitions et cadre pratique
Bien vide : au jour de la vente, le logement est libre d’occupation. L’acheteur peut immédiatement réaliser des travaux, choisir son mode d’exploitation (nu, meublé, colocation si autorisée, location moyenne durée, etc.), ou y habiter.
Bien occupé : un bail est en cours. À l’acte, l’acheteur devient bailleur en place aux mêmes conditions : loyer, dépôt de garantie, révisions, répartition des charges, durée restante et congés encadrés par la loi. Le bail se poursuit automatiquement avec le nouveau propriétaire.
2) Perception de marché : pourquoi le choix influence l’attractivité
Sur les portails grand public, la majorité des annonces s’affichent « FAI » pour les biens libres, avec des photos valorisant une projection rapide. Les biens occupés restent parfois sous-cotés par les particuliers, par méconnaissance des mécanismes de décote et du calendrier des congés. Cette perception crée des opportunités pour l’investisseur capable d’analyser finement le bail, l’historique et la copropriété.
Inversement, pour un acquéreur occupant, un bien occupé peut être source de friction temporelle (délai avant libération, incertitude sur la date effective de départ) alors qu’un bien vide offre une maîtrise du planning de travaux et d’emménagement. Cette réalité nourrit des stratégies de prix et de négociation différentes.
3) Impacts concrets : prix, financement, exploitation, risque
- Prix : l’occupation induit souvent une décote (ordre de grandeur observé sur certains marchés : 5–15 % voire davantage si loyer sous le marché, bail rigide, longue durée restante). À l’inverse, un vide « prêt à louer » bien situé peut se vendre sans décote.
- Financement : un loyer existant peut rassurer la banque (flux immédiat), mais ne compense pas un prix d’achat mal calibré ni des charges lourdes. Sur un bien vide, le dossier doit inclure un business plan crédible (loyer cible, comparables, délai de commercialisation, budget travaux).
- Exploitation : vide = liberté (travaux, choix du bail, typologie de locataire) ; occupé = stabilité initiale mais cadre imposé par le bail en cours (loyer, congés, indexation).
- Risque : occupé = risque d’impayés connu ou révélé par les quittances ; vide = risque de vacance initiale et d’erreur d’estimation du loyer cible. L’un comme l’autre exigent une due diligence sérieuse.
4) Comparatif synthétique (vide vs occupé)
| Critère | Acheter vide | Acheter occupé |
|---|---|---|
| Flexibilité | Maximale : travaux immédiats, choix du bail, repositionnement | Réduite : bail en cours, calendrier de congé à respecter |
| Revenus | Vacance initiale probable, montée en puissance | Flux immédiat si locataire en place et solvable |
| Prix d’achat | Généralement sans décote d’occupation | Décote possible (5–15 % selon cas) |
| Gestion | À construire (sélection, mise en location, GLI) | Historique disponible (quittances, comportement) |
| Travaux | Plus faciles à exécuter immédiatement | Souvent à planifier entre deux baux |
| Stratégie de sortie | Grande latitude (vente vide ou loué) | Sortie dépend du bail et du calendrier légal |
5) Repères juridiques et pratiques (généralités)
- Transmission du bail : à l’achat occupé, le bail se poursuit automatiquement avec le nouveau propriétaire (loyer, dépôt de garantie, révisions, charges). Les droits et obligations sont transférés.
- Congé & calendrier : les congés pour vente, reprise ou motif légitime s’exercent dans des délais et conditions précis. Anticiper la date d’échéance du bail et la notification adéquate.
- Niveau de loyer : certaines villes appliquent un encadrement des loyers. Un loyer « sous marché » ne se réaligne pas toujours rapidement.
- Profil du locataire : l’historique (quittances, absence d’incidents) est déterminant. Exiger un dossier complet avant de s’engager.
6) Valorisation : prix, décote d’occupation et rendement
Deux portes d’entrée complémentaires :
- Par le marché : comparer aux ventes récentes (vides et occupées) à surface, état et localisation comparables. Ajuster pour l’état, la copropriété, l’étage, l’exposition, la performance énergétique et l’occupation.
- Par le rendement : capitaliser les loyers annuels nets de charges non récupérables, de vacance et de risque, sur un taux cible qui reflète le marché et le risque de l’actif.
| Formule | Lecture |
|---|---|
Prix cible ≈ Loyers annuels nets / Taux de rendement cible | Le loyer net intègre charges non récupérables, vacance et provisions de risque |
Décote d’occupation : elle traduit la perte de flexibilité, le niveau du loyer par rapport au marché, la durée résiduelle du bail et la qualité du locataire. Plus le bail est long et rigide, plus la décote peut être significative. À l’inverse, un bail récent à loyer de marché, avec un excellent historique, atténue la décote.
7) Cas pratiques chiffrés
Cas A : investisseur visant la rente stable
- Bien occupé, T2 de 43 m², loyer mensuel 780 € hors charges, charges non récupérables 55 € / mois.
- Loyers annuels nets estimés : (780×12) – (55×12) – vacance prudente 1 mois = 9 360 – 660 – 780 = 7 920 €.
- Taux cible (compte tenu du quartier et du risque) : 5,2 %.
Prix cible par rendement : 7 920 / 0,052 ≈ 152 308 €. Ajuster avec l’état du bien et la copropriété. Si le vendeur demande 165 000 € FAI, l’investisseur peut négocier en objectivant le rendement net cible.
Cas B : création de valeur par travaux & repositionnement
- Bien vide, studio 24 m² à rafraîchir, loyer cible meublé 650 € HC une fois refait.
- Budget travaux + ameublement : 12 000 € ; vacance initiale et chantier : 2 mois.
- Hypothèse de charges non récupérables : 40 € / mois.
Loyer net annuel après mise en vitesse : (650×12) – (40×12) – 1 mois de vacance récurrente = 7 800 – 480 – 650 = 6 670 €.
Pour une cible à 6,2 % net, prix acte en main + travaux ≈ 6 670 / 0,062 ≈ 107 580 €. À rebours, si le prix de vente acte en main est 103 000 € et les travaux 12 000 €, le total 115 000 € donne ≈ 5,8 % net (à arbitrer selon localisation/horizon).
8) Due diligence : le pack indispensable avant d’acheter occupé
| Pièce | Pourquoi c’est crucial |
|---|---|
| Bail signé & avenants | Durée restante, type de bail, clauses, révisions, congés |
| Quittances 12–24 mois | Régularité des paiements, éventuels incidents |
| Dépôt de garantie & état des lieux | Montant et transfert du dépôt, état initial |
| Attestation d’assurance locataire | Couverture en cours, responsabilité |
| Relevés de charges & taxe foncière | Poids des charges non récupérables, dynamique des coûts |
| Copropriété (PV d’AG, appels de fonds, impayés) | Travaux à venir, santé financière, fonds de travaux |
| Diagnostics | DPE, élec/gaz, plomb, amiante, état global |
Le cas A et B sont des exmeples chiffrés. A compléter notamment avec la taxe foncière, la gestion, l'assurance PNO...
9) Gestion : réussir la reprise d’un locataire en place
- Onboarding : lettre de présentation, coordonnées pour le règlement, RIB, modalités de contact, calendrier de régularisation des charges.
- Révisions : vérifier l’indice de référence, l’historique et appliquer proprement. Éviter les rattrapages hasardeux.
- Assurances : RC bailleur, Garantie Loyers Impayés selon politique de risque et profil du locataire.
- Relation : communication écrite, factuelle et respectueuse. Un climat serein réduit les frictions.
10) Travaux & performance énergétique
Un bien vide offre un terrain idéal pour traiter l’obsolescence (électricité, salle d’eau, cuisine, sols) et améliorer la performance énergétique. La qualité du DPE influence de plus en plus la demande, le loyer accepté et la liquidité à la revente. Sur un bien occupé, planifier les travaux entre deux baux, cibler le fonctionnel et éviter les opérations intrusives sans accord clair.
11) Fiscalité : points d’attention structurants
- Location nue : revenus fonciers (micro-foncier ou réel). Au réel, déduction des charges réelles (intérêts d’emprunt, assurance PNO, charges de copropriété non récupérables, travaux éligibles, etc.).
- Location meublée : BIC (LMNP/LMP selon cas). Au réel, amortissements comptables (hors terrain), souvent favorables au cashflow net d’impôt.
- Travaux : arbitrer entre travaux déductibles (nu au réel) et amortissements (meublé au réel). L’opportunité diffère selon vide/occupé et calendrier.
12) Négociation : tactiques spécifiques
- Occupé : objectiver la décote par la durée résiduelle du bail, l’écart du loyer vs marché, les charges non récupérables, la santé de la copro et l’historique de paiements. Proposer un prix fondé sur le rendement net cible.
- Vide : démontrer le budget travaux, la vacance de mise en route, les risques DPE/encadrement local, et les comparables loués pour justifier la cible de rentabilité.
- Dossiers bancaires : si occupé, joindre quittances et bail. Si vide, joindre une étude de marché locatif (captures d’annonces comparables, niveaux de loyer, délais de location).
13) Horizon de détention & stratégie de sortie
La décision vide/occupé doit s’inscrire dans un plan de détention : conservation longue pour rentes et amortissements (meublé), ou création de valeur puis arbitrage (rafraîchissement, repositionnement, revente). La liquidité d’un bien correctement rénové, bien classé au DPE et aux charges maîtrisées reste supérieure, toutes choses égales par ailleurs.
14) Erreurs fréquentes à éviter
- Surpayer un bien occupé avec loyer sous marché et longue durée restante sans intégrer de décote suffisante.
- Sous-estimer la vacance et les coûts de remise en état sur un bien vide.
- Négliger la copropriété (fonds travaux, appels exceptionnels, sinistres, impayés).
- Ignorer l’impact du DPE sur le loyer, la demande et la sortie.
- Confondre charges récupérables et non récupérables dans le calcul de rendement.
15) Méthode décisionnelle en 7 étapes
- Clarifie ton objectif (rentes, création de valeur, usage perso) et ton horizon (3, 7, 15 ans).
- Cartographie du marché : tension locative, niveaux de loyers, délais, encadrement éventuel.
- Chiffrage fin : loyer net, charges non récupérables, vacance, CAPEX, taxe foncière.
- Rendement cible et scénarios (optimiste, médian, prudent).
- Due diligence stricte (bail/EDL/quittances/AG/diagnostics).
- Négociation outillée (tableur, comparables, taux cible).
- Plan B explicite (si vacance prolongée, si départ, si travaux lourds).
16) FAQ express
- Peut-on renégocier un loyer juste après l’achat ? Non si un bail est en cours : il s’impose au nouveau bailleur jusqu’à son échéance et selon les règles applicables (indexation, encadrement éventuel).
- Combien de décote sur un bien occupé ? Il n’y a pas de règle universelle. Elle reflète la perte de flexibilité, l’écart loyer/marché, la durée résiduelle et la copro. Sur certains marchés, 5–15 % est fréquent, mais l’éventail est large.
- Et si le locataire part juste après l’achat ? C’est possible. D’où l’intérêt d’anticiper un budget vacance/remise en état et de rester couvert (GLI, trésorerie).
- Quel mode d’exploitation pour maximiser la rentabilité ? Cela dépend du marché, du règlement de copropriété, des règles locales et de la qualité du bien. Ne jamais forcer un modèle inadapté à la demande.
Conclusion
Acheter vide maximise la liberté d’action (travaux, repositionnement, choix du bail et du locataire) et peut accélérer la création de valeur, au prix d’une vacance initiale et de plus de préparation.
Acheter occupé sécurise un revenu immédiat, objectivable par l’historique, et justifie une décote à l’achat en contrepartie d’une souplesse réduite. La bonne réponse n’est ni dogmatique ni universelle : elle naît de ton objectif, de ton horizon, de la réalité de ton marché et de ta capacité d’exécution. Pose les chiffres, exige les pièces, planifie tes étapes et arbitre avec méthode.
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